Sortie organisée par les Amis des Musées de Saint-Omer
Photos de la sortie :
LA CATHEDRALE SAINT-PIERRE
Première originalité de l’édifice : il subsiste une partie de la cathédrale carolingienne précédente : Notre-Dame de Basse-œuvre. Cet édifice était détruit petit à petit pour être remplacé, à partir de 1225, par la gigantesque cathédrale Saint-Pierre, de style gothique flamboyant. Mais le nouvel édifice n’a jamais été terminé. Résultat, les deux édifices sont accolés, l’un partiellement détruit et l’autre partiellement construit.
Au XIIIème siècle, le textile lainier assure la prospérité de Beauvais et lui donne les moyens financiers de se lancer dans un projet grandiose. Les habitants s’organisent en commune et choisissent le parti du roi de France contre le puissant évêque-comte de Beauvais, l’un des douze pairs du royaume. Menacé, ce dernier se fait construire, non loin de la cathédrale, un châtelet protégeant son Palais épiscopal devenu aujourd’hui le MUDO (= le Musée de l’Oise).
L’art gothique, initié par l’abbé Suger, est l’art de la lumière. La lumière terrestre reflète la lumière divine. C’est aussi l’art de l’élévation architecturale maximale, reflet de la prière humaine qui s’élève jusqu’à Dieu. A Beauvais, on a réalisé la cathédrale la plus haute du monde, c’est la seconde originalité de cet édifice. La voûte de la nef s’élève à 47 mètres au-dessus du sol (contre 23 mètres pour la cathédrale de Saint-Omer). La hauteur sous voûte est égale à la largeur, comme dans la cité céleste de l’Apocalypse : 144 pieds royaux. Le transept, commencé en 1500 soit un siècle et demi après le chœur, est encore plus haut : 48,5 m. De même qu’aujourd’hui certaines métropoles cherchent à construire la tour la plus haute du monde, au Moyen Âge, il en était ainsi pour les cathédrales.
Cependant, la cathédrale de Beauvais n’était pas suffisamment étayée. Le chœur s’effondra partiellement dès le XIIIème siècle. On le reconstruisit en le renforçant : les voûtes furent soutenues par six arcs, et non plus par quatre. On doubla le nombre de piliers du chœur. On relia les arcs-boutants par des tiges de fer.
Au XVIème siècle, alors que la nef n’était que partiellement construite, et qu’il aurait fallu la terminer pour équilibrer l’édifice, on voulu atteindre le ciel au plus vite et on construisit une flèche très haute, flèche qui s’effondra quatre ans après son achèvement. Faute de moyens, la flèche ne fut pas reconstruite et la nef ne fut jamais terminée.
Aujourd’hui, on a rajouté de grand étais permanents en bois à l’intérieur, afin que la cathédrale Saint-Pierre puisse résister aux tempêtes.
Ce qui frappe le visiteur, c’est la verticalité et la hauteur des voûtes. Les arcs-boutants sont doubles : celui du bas contient la poussée, celui du haut sert à l’évacuation des eaux de pluie. Les chapiteaux gothiques ont toujours un décor végétal. Ils symbolisent la canopée (= la voûte des arbres) qui sépare la terre du ciel. Toutes les niches recevaient une statue, mais les statues ont été détruites à la Révolution.
La cathédrale étant privée de façade occidentale, c’est le portail sud, construit vers 1500-1510, qui servait d’entrée officielle pour les dignitaires et les processions. Sa rose, de onze mètres de diamètre, est l’œuvre de Martin Chambiges. Le portail sud possède deux très beaux vantaux de bois ornés, chacun, d’un bas-relief historié : La conversion de saint Paul, pour l’un, Saint Pierre guérissant un boiteux, pour l’autre. Ces vantaux de style Renaissance, réalisés vers 1540, sont attribués au sculpteur Jean Le Pot.
Angadrême, membre de la famille des comtes de Boulogne (actuel Pas-de-Calais), est originaire de Thérouanne. Angadrême a suivi, au VIIème siècle, l’enseignement de Saint-Omer qui était alors l’évêque de Thérouanne. Elle devint religieuse, et fut abbesse à proximité de Beauvais. Ce fut une abbesse exemplaire en tous points. Plus tard au IXème siècle, selon la tradition, ses reliques préservèrent Beauvais de la destruction par les Normands. En 1472, toujours selon la tradition, Jeanne Hachette et les Beauvaisiennes transportèrent les reliques de Sainte Angadrême face aux Bourguignons qui assiégeaient Beauvais. La châsse-reliquaire reçut une flèche bourguignonne qui fut conservée plusieurs siècles.
Jessé, selon la Bible, est le père de David qui fut le premier roi des Hébreux. Il est donc le grand-père du roi Salomon. Jessé habite Bethléem, ville située juste au sud de Jérusalem. L’Arbre qui sort de Jessé et monte dans le vitrail symbolise les ancêtres de Jésus. Jésus est un descendant de David. Comme Jessé, Jésus est né à Bethléem.
L’Horloge astronomique de la cathédrale : achevée en 1868 par le Beauvaisien Auguste Lucien Vérité, elle intègre les meilleures techniques horlogères de cette époque : 90 000 pièces parfaitement synchronisées regroupées dans un meuble de style romano-byzantin (exécuté selon les plans du Père Piérart) de 12m de haut sur 6m de large. 52 cadrans indiquent la position des planètes, les heures de lever et de coucher du soleil et de la lune, les heures des marées, etc… Ils donnent la mesure du temps dans l’Univers ainsi que la représentation des principaux phénomènes astronomiques. Quelques instants avant l’heure, le coq chante et bat des ailes. Quand l’heure sonne, le Christ assis dans sa gloire, fait signe aux anges de jouer de la trompette. Ensuite, c’est le Jugement Dernier : un ange conduit la Vertu au ciel tandis que le Diable pousse le Vice en enfer.
Au MUDO ( = Musée de l’Oise), nous avons surtout visité les salles du XIXème siècle :
Léon BELLY est né à Saint-Omer en 1827 et décédé à Paris en 1877. C’est un peintre paysagiste et orientaliste. Il fréquente les membres de l’Ecole de Barbizon. Barbizon est un village proche de Fontainebleau où se retrouvaient, de 1825 à 1875, des peintres paysagistes ayant choisi de délaisser l’atelier pour peindre « d’après nature ». Pour mémoire, rappelons que le musée Sandelin de Saint-Omer conserve deux œuvres de Léon BELLY : Vue du Nil et surtout Les Sirènes, tableau de grand format réalisé en 1867. Peintre orientaliste à la recherche de la lumière éphémère, Léon Belly dans La route sous la pluie, représente la lumière qui se reflète dans les flaques d’eau tandis que les nuages sont encore menaçants.
François CHIFFLART est né à Saint-Omer en 1825. Il obtient le grand prix de Rome de peinture historique en 1851. Cependant, François Chifflart rejette l’académisme qui domine son époque. Mis à l’écart, il se tourne vers la gravure. Ses gravures expriment le mouvement et « le souffle du grand art du dix-neuvième siècle » selon la formule de Victor Hugo. Ainsi Hercule terrasse le lion de Némée en lui écartant violemment les mâchoires car aucune arme ne pouvait en venir à bout. Opposant à l’empire autoritaire de Napoléon III, François Chifflart perd ses riches clients et meurt à Paris en 1901.
Thomas COUTURE : L’Enrôlement des Volontaires de 1792. Cette esquisse fut commandée en octobre 1848 par le gouvernement de la Seconde République pour la salle des séances de l’Assemblée nationale à Paris. L’exécution du tableau fut suspendue en 1851, à la suite du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, et le tableau ne fut jamais mis en place. La Liberté, mise en évidence par la lumière blanche, occupe une position centrale. Coiffée d’un bonnet phrygien, elle incarne la Révolution. La vivacité des couleurs tricolores de cette silhouette éclate au milieu d’un ensemble traité en camaïeu brun.
Pour réaliser ce tableau, Thomas Couture multiplia les esquisses. La composition s’étage sur trois niveaux :
- en bas, la frise des Volontaires partant défendre la patrie parmi lesquels figurent un prêtre, les figures symboliques du noble et de l’ouvrier, ainsi qu’un cavalier ouvrant le cortège. Le centre est occupé par un porte-drapeau et un porte enseigne : ils remplacent une figure de la Liberté assise sur l’affût du canon, qui a été effacée.
- Au milieu, figurent ceux qui restent : les femmes et les enfants, les vieillards ainsi que les autorités.
- Au niveau supérieur, la tribune où les Volontaires viennent s’inscrire, surmontée du drapeau portant l’inscription : « La Patrie est en danger ».
- Enfin, à droite de cette tribune, deux allégories ailées montrent aux Volontaires la direction du combat.
La journée s’est terminée par la visite de la manufacture des tapisseries de Beauvais, fondée en 1664 par Louis XIV à l’initiative de Colbert. Au XVIIIème siècle, la manufacture est dirigée par le peintre Jean-Baptiste Oudry et connait une grande prospérité.
Restée fidèle au textile, Beauvais délaissa longtemps la Révolution industrielle et le chemin de fer, ce qui entraina le déclin économique de la ville. En 1940, les bombardements aériens détruisirent de larges secteurs de la ville et de nombreux vestiges du passé. La reconstruction de Beauvais ne fut achevée que dans les années 1960.
Texte et photos : Pierre Dalbert