(située à 5 km au nord de Paris)
Sortie organisée par les Amis des Musées de Saint-Omer
Photos de la sortie :
1 : Un peu d’Histoire
Saint-Denis, au milieu du +IIIème siècle, est l’évangélisateur des Parisii. Saint-Denis fut le 1er évêque de Lutèce (= Paris).
Il fut martyrisé par décapitation à Montmartre ainsi, a-t-on dit, que le prêtre Rustique et le diacre Eleuthère.
La tradition, d’époque carolingienne, rapporte que Saint-Denis décapité aurait porté sa tête jusqu’à l’endroit où se trouve aujourd’hui la basilique de Saint-Denis. C’est là qu’il fut enseveli. Un monastère fut ensuite édifié à cet emplacement.
Plus tard, au VIIème siècle, le roi mérovingien Dagobert Ier, arrière-arrière-petit-fils de Clovis, se fit inhumer dans le monastère de Saint-Denis, créant ainsi une tradition, reprise ensuite par les rois.
Pour info : la chanson Le bon roi Dagobert date de la seconde moitié du XVIIIème siècle et se moque de Louis XVI…
Progressivement, Saint-Denis fut confondu avec deux autres saints prénommés Denis et ayant vécu l’un au +Ier siècle et l’autre au +IVème siècle.
2 : La basilique de Saint-Denis est la plus ancienne église gothique
Basilique : titre honorifique accordé par le pape à une église remarquable, par exemple une église accueillant un pèlerinage important (Pour info : depuis 1879, la cathédrale Notre-Dame de Saint-Omer est aussi une basilique).
L’église abbatiale de Saint-Denis devient une basilique dès l’époque mérovingienne (Vème-VIIIème siècles).
La façade et le chevet de la basilique carolingienne de Saint-Denis sont reconstruits de 1135 à 1144 par Suger, abbé de Saint-Denis et conseiller des rois Louis VI et Louis VII.
Suger veut faire entrer la lumière, car la lumière terrestre est le reflet de la lumière divine :
- C’est la première fois que l’on perce une rose sur une façade.
- L’arc brisé concentre la poussée de la voûte sur croisée d’ogives sur les piliers et non plus sur les murs. Il devient donc possible d’ajourer les murs par de grands vitraux.
- Depuis l’extérieur, les arcs-boutants empêchent les piliers de s’effondrer.
Les tympans sont romans.
- La décapitation de Saint-Denis, Rustique et Eleuthère est représentée sur le tympan du portail du transept nord (côté gauche de l’édifice).
- Le tympan du centre de la façade occidentale représente le Jugement dernier. Suger s’y est fait représenter en prière, aux pieds du Sauveur (= Jésus).
- Les portails nord et sud de la façade occidentale racontent les derniers moments de Saint-Denis, avant son supplice.
Ensuite, au XIIIème siècle sous le règne de Saint-Louis, on reconstruit la nef, désormais haute de 30 mètres (Pour info : la hauteur de la nef est de 23 mètres à Saint-Omer et de 48,5 mètres à Beauvais).
La nef donne une impression de verticalité car l’absence de chapiteau permet aux piliers d’être prolongés par les arcs de la voûte gothique. Ce choix architectural symbolise la prière qui monte vers Dieu.
On surélève également le chœur de l’abbaye de Saint-Denis.
Plus tard, Saint-Louis reconstruit le transept (1260) et lui donne une ampleur exceptionnelle afin d’avoir suffisamment de place pour y accueillir les tombeaux des rois de France :
- au sud (côté droit) on place les tombeaux mérovingiens et carolingiens, au nord (côté gauche), les tombeaux capétiens.
- En réunissant ainsi les dynasties successives, Saint-Louis renforce la légitimité de la dynastie capétienne face aux grands vassaux, toujours prêts à se révolter.
L’oriflamme de Saint-Denis correspond à une tradition qui remonterait à Charlemagne, et qui fut reprise par Suger. Ce « drapeau à pointes » aurait été initialement conservé à Montjoye (dans les Yvelines) puis dans l’abbaye de Saint-Denis.
- Du XIIème au XVème siècle, à chaque nouvelle guerre, le roi vient lever (= chercher) l’oriflamme conservé à Saint-Denis.
- Le cri de guerre « Montjoie ! Saint-Denis ! » place l’armée royale sous la protection de Saint-Denis et galvanise les soldats.
A partir de Saint-Louis, l’abbaye de Saint-Denis est également le lieu de conservation des régalia (= insignes du pouvoir : sceptre…)
La basilique de Saint-Denis est aussi le lieu du sacre des reines de France. Celui-ci n’était pas systématique et était moins complet que celui des rois à Reims car les reines n’étaient pas investies du pouvoir.
C’est à Saint-Denis qu’en 1593, Henri IV abjure le protestantisme.
1793 : profanation et destructions.
- Alexandre Lenoir réussit à préserver les tombeaux, mais non leur contenu.
- En 1816-1817, on réalise dans la crypte un ossuaire avec les restes des rois que l’on put récupérer mais sans pouvoir les identifier.
La façade de la basilique de Saint-Denis comportait deux tours, mais une tornade oblige Viollet-le-Duc à démonter la tour nord et sa flèche en 1847.
1846-1879 : Eugène Viollet-le-Duc sauve l’édifice et restaure les tombes. Cependant, l’enduit qu’il applique sur la façade la noircit.
1966 : la basilique est promue cathédrale.
Gravement dégradée au XXème siècle, la basilique est restaurée en 2012-2015 : façade occidentale, vitraux, boiseries…
Depuis 2016, on envisage de reconstruire la tour nord et sa flèche qui culminait à 90 mètres.
3 : Saint-Denis, nécropole des rois de France
nécropole :groupement de sépultures monumentales
Depuis Dagobert Ier, presque tous les rois et reines ont été inhumés à Saint-Denis. Quelques grands serviteurs de l’Etat également.
gisant : sculpture funéraire représentant le défunt couché sur le dos.
Les gisants étaient peints.
Les rois sont initialement enterrés à Saint-Denis avec une simple dalle mais, au XIIIème siècle, Saint-Louis commande 16 gisants pour ses ancêtres.
- Cela donne l’impression que les dynasties successives sont apparentées, ce qui est faux.
- Cela consolide la notion de l’hérédité des rois, notion qui a été réinstaurée par les Capétiens dont Saint-Louis fait partie.
- Ainsi, Saint-Louis fait réaliser un tombeau pour le roi Dagobert, pourtant déjà enterré à Saint-Denis depuis six siècles !
- Dagobert, c’est une originalité, est représenté couché sur le côté, regardant le tombeau de Saint-Denis dont il implore la protection car il avait beaucoup de choses à se reprocher : Dagobert, en effet, eut de nombreuses maîtresses et fit assassiner ses rivaux, ce qui lui permit toutefois de rétablir son autorité dans son royaume.
- L’âme de Dagobert est représentée au-dessus de son gisant du XIIIème siècle par un petit enfant nu, placé dans une barque où deux démons le tourmentent. Heureusement pour lui que Saint-Denis vient le sauver et l’emmener vers le Ciel…
Les rois défunts étaient le plus souvent découpés et enterrés en plusieurs endroits :
- Les entrailles à proximité du lieu du décès. Le gisant est alors petit et peut représenter le défunt tenant un sac.
- Le cœur dans un lieu choisi par le roi. Le gisant est alors petit et peut représenter le défunt tenant un flacon.
- Les os (partie la plus vénérable du corps) qui se conservent le mieux, sont ramenés à Saint-Denis. Le gisant est alors plus grand.
Les défunts sont tournés vers l’est, signe de la croyance en la résurrection.
Au XIIIème siècle, le visage du défunt n’est pas un portrait : il est idéalisé. Le défunt semble endormi et son air est béat.
Sur le gisant, aux pieds du défunt, on trouve souvent :
- Un lion, dans le cas du gisant d’un roi dont on vante la grandeur, la puissance et la justice.
- Un chien, dans le cas du gisant d’une reine, symbolise la fidélité, signe d’une descendance royale légitime.
A la Renaissance, Le contexte historique génère deux nouveautés pour les tombaux royaux :
- La Guerre de Cent Ans (1337-1453) et le Peste noire (1346-1352) ont tué plus du tiers de la population. La Mort est alors une idée omniprésente. Les gisants royaux des XV-XVIème siècles représentent les défunts en transis. Ce terme signifie « passer », au sens de mourir. Désormais, le roi défunt est figuré nu et en décomposition, ce qui traduit l’égalité de tous devant la mort.
- Les Guerres d’Italie (1494-1559) font connaître en France les réalisations artistiques de l’Antiquité romaine. Les tombeaux royaux deviennent monumentaux, imitant parfois les temples romains.
Ainsi Louis XII et Anne de Bretagne sont représentés simultanément deux fois sur leur tombeau réalisé en 1531.
- Pour la première représentation, au-dessus du tombeau, ils sont agenouillés et en prière, ce qui fait d’eux des modèles pour le peuple. Ils ne portent pas leurs insignes royaux car, au Paradis, le seul roi c’est Dieu.
- Pour la seconde représentation, à l’intérieur de leur mausolée, ils sont figurés en transis particulièrement réalistes.
- Autour de leur tombeau, des allégories représentent les quatre vertus cardinales, avec leurs attributs : la Justice avec le globe et jadis une épée, la Force et son pilier, la Tempérance avec une bride, et enfin la Prudence avec un miroir.
- L’ensemble est complété par douze petites statues, figurant les douze apôtres.
Cette mode du « transi » suscite parfois quelques réticences :
Ainsi, Catherine de Médicis (1519-1589), épouse du roi Henri II, refusa le transi qui avait été réalisé de son vivant et se fit représenter bien en chair, telle une Vénus avec une pointe d’érotisme…
A partir du XVIIème siècle, la mode médiévale des tombeaux monumentaux est passée. Dans le contexte du pouvoir royal qui s’affirme de plus en plus comme un pouvoir absolu, les tombeaux redeviennent très simples car on préfère représenter le souverain vivant, glorieux, par exemple Louis XIV à cheval.
1975 : Valéry Giscard d’Estaing fait réaliser six pierres tombales sobres pour les corps des rescapés de la profanation de 1793. Sont ainsi inhumés les corps de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
Ainsi, la France républicaine apaise ses relations avec son passé…
Textes et photos : Pierre Dalbert