I.- LA PREMIERE GUERRE MONDIALE A DETRUIT LA VILLE HISTORIQUE
I-a) Lens, une ville martyre de la Première Guerre mondiale
Pendant la Première Guerre mondiale, dès le mois d’octobre 1914, la ville de Lens fut occupée par l’Allemagne qui en fit un centre logistique de l’armée allemande. De 1914 à 1918, la ville fut régulièrement pilonnée par l’artillerie britannique. En 1918 avant la reprise de la ville par les Alliés, les Allemands sur le départ dynamitèrent les immeubles qui restaient debout. La ville est donc rasée tandis que les communes voisines du Bassin minier sont largement détruites.
La population lensoise, considérée comme très fidèle à la France, avait été évacuée de force par les Allemands en avril 1917. Dès la fin de la guerre, les Lensois reviennent. Ils habitent alors dans des demi-lunes, habitats métalliques provisoires en forme de demi-cercle. Les services, à commencer par les banques, se réinstallent également dans du provisoire. Une importante communauté polonaise arrive à Lens après la Grande Guerre.
De février 1919 à juillet 1921, le déblaiement des décombres est réalisé par des milliers d’ouvriers, dont des Chinois, et par des prisonniers allemands. Ce travail est dangereux car il y a des risques d’explosion : il subsiste en effet de nombreux obus n’ayant pas explosé au cours du conflit. On trie les matériaux tirés des décombres afin de les recycler.
I-b) Reconstituer à l’identique ou reconstruire ?
Rebâtir la ville de Lens fut envisagé dès 1915, donc pendant la guerre. A cette époque, sous l’influence du courant hygiéniste, on considère que les villes doivent être salubres, pratiques à vivre et à parcourir.
Ainsi, le 14 mars 1919, la loi CORNUDET impose que la reconstruction des villes de plus de 10 000 habitants soit conçue selon un plan d’ensemble et qu’elle intègre un aspect esthétique.
Mais faut-il reconstituer à l’identique ? C’est le choix effectué pour le centre-ville d’Arras en raison de son caractère historique.
Par contre, à Lens, le député-maire Emile BASLY, est déterminé à ce que sa ville soit reconstruite et non reconstituée à l’identique. Reconstruire signifie prendre des libertés avec le passé. Ainsi, à Lens, le plan élaboré par l’architecte Louis BARTHELET est adopté en 1923. Ce plan prévoit notamment l’élargissement des voies de circulation.
Aujourd’hui, à Lens, le souvenir d’Emile BASLY est perpétué par une statue en bronze de 700 kg, ainsi que par le nom de « boulevard Emile Basly » donné à un grand axe commerçant.
II.- QUELLE ARCHITECTURE POUR LENS AUJOURD’HUI ?
II-a) Lens, la ville de l’éclectisme (= mélange des styles)
La reconstruction de Lens, capitale du charbon, commence en 1920 et s’étale sur une douzaine d’années.
- Le style des maisons reconstruites par l’architecte Louis-Marie CORDONNIER est régionaliste avec des pignons flamands à pas de moineaux (= impression de marches d’escalier).
- On trouve aussi le style baroque avec des pignons à volutes (= enroulement en forme de spirale)
- et le style classique (= tympan triangulaire ou curviligne, chapiteau ionique et pilastres cannelés).
- La réputation d’une reconstruction de la ville de Lens en style Art déco est donc exagérée. En réalité, plusieurs styles se partagent la ville et parfois un même bâtiment combine plusieurs styles. C’est donc bien d’éclectisme (= mélange des styles) qu’il convient de parler.
II-b) Comment caractériser l’Art déco ?
Quand ? L’Art déco se développe de 1910 à 1939. Son nom lui a été attribué lors de L’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes qui s’est tenue à Paris en 1925, et dont on a partiellement repris le titre.
Quel style ? En réaction contre les courbes de l’Art nouveau de la Belle Epoque d’avant 1914, l’Art déco est très géométrique, leslignes sont épurées, les décorations florales sont stylisées.
Peu de couleurs, voire même du noir et blanc, en réaction contre la vivacité des couleurs de l’Art nouveau d’avant 1914.
Comme l’Art nouveau, l’Art déco est un art global concernant l’architecture, aussi bien extérieure qu’intérieure, le mobilier et la décoration. Mais l’Art déco est le premier art à diffusion mondiale.
II-c) Quelques exemples d’Art déco à Lens
- A LA VILLE DE LIMOGES, située Place Jean Jaurès, l’Art déco se caractérise par des garde-corps en fer forgé ainsi que par un magnifique décor de carreaux en faïence. Le dessin des motifs floraux varie du réalisme à une stylisation des formes. Cet ancien magasin de porcelaine est devenu l’Office du Tourisme.
- LA GARE DE LENS, réalisée par Urbain Cassan en 1926-1927 représente une locomotive à vapeur stylisée :
La cheminée est symbolisée par la tour horloge qui domine la gare.
Les wagons sont figurés par onze compartiments indépendants réalisés en béton armé. Reposant sur des arcs métalliques, les compartiments peuvent être manœuvrés grâce à des vérins hydrauliques, ce qui permet de rétablir l’édifice en cas d’affaissement du sous-sol minier.
Les roues de la locomotive sont suggérées par le format semi-circulaire des portes.
Chaque côté de l’intérieur du hall de gare est orné par une fresque en mosaïque réalisée en style Art déco par Auguste Labouret. Cette fresque évoque le monde de la mine et « les mineurs de fond » que chantait Pierre Bachelet en 1982.
- La façade du cinéma APOLLO, situé Place de la Gare, inauguré en 1932, est en béton armé avec une frise géométrique Art déco et des bow-windows (= baies vitrées dépassant de la façade) faisant une saillie triangulaire.
- Les anciens GRANDS BUREAUX DES MINES DE LENS, réalisés de 1928 à 1930 par Louis-Marie Cordonnier, abritent du mobilier d’artistes majeurs de l’Art déco : Daum et Majorelle.
III.- LENS, UN NOUVEAU DEPART…
III-a) Population de la ville de Lens
1911 = 31 812 habitants
1962 = 42 590 habitants
1990 : arrêt total de l’exploitation du charbon. Lens se dépeuple, devient une ville pauvre avec un taux de chômage élevé.
2019 = 31 461 habitants, tandis que l’aire urbaine de Douai-Lens regroupe 539 322 habitants.
III-b) La ville de Lens se reconvertit vers le secteur tertiaire
- Le football est célèbre avec le RCL = Racing Club de Lens : les « Sang et Or » et le stade Félix Bollaert – André Delelis. Construit en 1932-1933 par la Société des Mines de Lens, le stade a une capacité de 38 058 places. Les matchs attirent du public ce qui renforce le secteur de l’hôtellerie-restauration.
- Les anciens Grands Bureaux (= le siège) de la Compagnie des Mines de Lens, sont devenus la Faculté scientifique Jean Perrin.
- Le musée du Louvre-Lens est ouvert depuis décembre 2012.
Texte et photos : Pierre Dalbert
Sources :
Arnaud Debève (texte) et Laurent Lamacz (photographies), L’Art déco à Lens et à l’entour, Regards sur un patrimoine à révéler, Les dossiers de Gauheria n°9, 2012, 128 pages.
N.B. : Gauheria est une association d’intérêt général et d’éducation populaire, sans but lucratif, revue d’histoire et d’archéologie publiée avec le concours du département du Pas-de-Calais et de la CommunAupole de Lens-Liévin.
Wikipédia : articles sur la ville de Lens et sur la Bataille de la cote 70